4 décembre 2017

Un rendez-vous manqué à Port Lincoln

Après une matinée inoubliable avec les lions de mer, je reviens à Port Lincoln où je retrouve les filles dans le centre-ville. Je raconte à Jade mon expérience incroyable que je viens de vivre en lui montrant les photos que j’ai prises avec ma GoPro. Comme à son habitude, Patricia se désintéresse totalement de ce que je peux dire et se met à l’écart, attendant que mon récit se termine.

Déjà la mi-journée, nous partons déjeuner rapidement au Macca’s, « slang » australien (mot d’argot) pour McDonald’s. Ne me demandez pas les origines de ce surnom, les Australiens utilisent énormément d’argot comparé aux Anglais ou aux Américains.

Pendant notre repas, nous discutons un peu de notre programme de l’après-midi. À l’unanimité, nous décidons de suivre les conseils de la veille, donnés par la propriétaire de l’auberge de jeunesse de Port Lincoln. Nous prenons alors la voiture et partons à la découverte du Parc National de Port Lincoln où certaines plages méritent d’y faire un détour.

Un piège fortement désagréable

Je tiens d’avance à m’excuser car je n’ai pas retenu les noms de tous les endroits où nous nous sommes arrêtés… J’aurais dû les noter sur le bloc-notes de mon téléphone afin de m’en souvenir.

Il nous faut environ trois-quarts d’heures pour arriver au Lincoln National Park. Nous faisons une première halte sur une plage (encore une fois déserte) où le sable a une texture très particulière. J’ai l’impression de marcher sur des œufs ou sur une fine couche de glace qui craquelle, comme sur un lac gelé. Cette sensation, jamais encore rencontrée sur les autres plages d’Australie, ne me donne pas confiance et met mes sens en éveil. Les filles, quant à elles, ne se posent pas de questions et marchent sereinement.

Plage parc national Port Lincoln
Une plage du Lincoln National Park. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Sable plage Port Lincoln
Le sable de cette plage a une texture très particulière. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Nous nous rapprochons de la mer, qui s’est éloignée sous l’effet de la marée. Mon intuition avait vu juste et ce qui devait arriver arriva, mais par chance ce n’est pas sur moi que c’est tombé ! Parfois, la curiosité est un vilain défaut et ce n’est pas Jade qui dira le contraire. À force de trop s’aventurer au bord de l’eau, son pied droit s’est enfoncé d’un coup dans une sorte de sable mouvant, une mélasse quelque peu ragoûtante. Malgré sa réaction rapide -elle s’est dégagée en une fraction de seconde- le mal était déjà fait. Elle s’est retrouvée avec du sable mouillé et collant jusqu’à la cheville. Sa basket d’un blanc immaculé était couverte de boue granuleuse qui risquait de devenir nauséabonde si l’on ne l’enlèvait pas rapidement. Malgré tout, nous n’avons pas pu nous empêcher d’avoir un fou rire incontrôlable qui a duré plusieurs minutes.

boue plage Port Lincoln
Un moment d’inattention et un pied dans la boue. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Fishery Bay

Suite à cette mésaventure, nous reprenons la voiture pour nous rendre sur l’une des plages les plus célèbres du coin, à savoir Fishery Bay. Située à l’extérieur du parc national, à la pointe sud, sur la côte de Port Lincoln, cette baie est connue pour son sable blanc et fin où les kangourous se promènent de temps à autre.

Avant de marcher sur la plage, nous partons admirer le paysage sur un panorama qui donne une vue d’ensemble des alentours de Fishery Bay. Comme à chaque fois, nous avons droit à un magnifique spectacle qui se tient sous nos yeux. La mer d’un calme plat, s’engouffre dans la baie où des vagues se forment au fur et à mesure qu’elles se rapprochent du bord. Juste à côté de nous, un escalier en bois permet de descendre la falaise pour aller au plus près des rochers où les ondes de l’eau se brisent au contact de la pierre polie.

Falaise Fishery Bay
Fishery Bay du haut d’une falaise. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Panorama Fishery Bay
Le panorama de Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Vagues Fishery Bay
Des vagues qui terminent leur route à Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

De nombreuses photos plus tard, nous partons sur la plage pour profiter d’une agréable marche où notre peau est hydratée par les embruns marins de l’océan. Nous nous garons sur un parking situé juste derrière une dune, composée d’arbustes et de plantes ayant poussé dans le sable. Non loin de là, Jade aperçoit des toilettes avec un lavabo. Ni une, ni deux, elle part nettoyer sa basket.

vue dune plage
Vue de Fishery Bay depuis une dune. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Pendant ce temps, Patricia et moi, partons sur la plage, chacun de son côté. Sur le sable fin, des empruntes de pneu laissent à penser que des 4×4 sont passés par ici. Cela me rappelle mon séjour à Fraser Island (la plus grande île de sable du monde, située sur la côte Est, dans la région du Queensland), où j’ai eu la possibilité de conduire avec une énorme voiture, en essayant de ne pas m’embourber dans les dunes.

Plage Fishery Bay
La plage de Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Après avoir fini sa toilette, Jade vient me rejoindre. Nous marchons jusqu’au bout de la plage où quelques surfeurs courageux sont à l’eau. Fishery Bay est un endroit parfait pour les débutants car les vagues sont plutôt calmes mais assez fortes quand même pour prendre de l’élan et glisser dessus. D’ailleurs, les gens dans l’eau n’ont pas l’air d’avoir un niveau très élevé, ce qui change de ce que j’ai pu voir depuis que nous nous baladons sur la côte sud et plus particulièrement à Torquay.

Sable Fishery Bay
Le sable blanc de Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Surfeurs Fishery Bay
Des surfeurs en pleine session à Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

L’après-midi touche à sa fin et il est temps de chercher un camping gratuit où passer la nuit. Un rapide tour sur Wikicamps nous permet d’en trouver un, juste à l’entrée du Lincoln National Park, sur une falaise. Le vent s’étant levé, cela risque de ne pas être le meilleur spot que l’on puisse trouver, surtout pour ceux qui vont dormir sous la tente. Arrivés sur place, bien évidemment, nous nous rendons compte qu’il est impossible de passer la nuit ici. Nous trouvons alors une autre solution qui, en revanche, n’est pas très légale. Nous revenons sur nos pas, pour quitter les hauteurs et pour partir se réfugier entre deux dunes, à l’écart de la route principale. Nous prenons le risque de faire du camping sauvage mais nous n’avons pas tellement le choix si nous souhaitons économiser une nuit d’hôtel. Espérons qu’aucun « ranger » (garde forestier qui a la responsabilité de protéger les parcs nationaux) n’aura l’idée de venir faire une patrouille dans les parages cette nuit. Si nous nous faisons attraper, nous pouvons avoir une amende d’environ 300$ (soit 190€) par personne !

Falaise nuit camping
La falaise où l’on est censé dormir cette nuit. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

C’est parti pour l’aventure

La nuit est de courte durée puisque nous devons nous réveiller vers quatre heure du matin afin de rejoindre la marina de Port Lincoln un peu avant six heures. Aujourd’hui est un grand jour : nous partons faire une croisière pour plonger au milieu des requins blancs ! Bien entendu, nous serons à l’intérieur d’une cage afin de ne pas nous faire dévorer par ces monstres marins.

Comme la veille avec les lions de mer, nous avons rendez-vous à l’agence d’Adventure Bay Charters où il nous est demandé de signer une décharge comme quoi la compagnie n’est pas responsable de tout accident survenu à l’intérieur de la cage (c’est rassurant). Puis, à six heures pile, nous embarquons à bord d’un bateau assez spécial pour rejoindre LE spot où les requins ont l’habitude de chasser. La particularité de ce navire réside sur le fait que sa coque cache un cube de verre où l’on peut regarder les profondeurs de l’océan sans se mouiller (mais surtout pour les peureux qui ne désirent pas rentrer dans la cage).

Nous quittons le port au moment même où le soleil se lève, permettant de profiter d’une vue incroyable où l’horizon de l’océan revêt une couleur jaune-orangé. Sur l’eau, nous croisons une chaloupe partant à la pêche, accompagnée d’une multitude de mouettes, attendant leur petit-déjeuner de la journée. Des dauphins font également un bout de chemin avec nous, jouant avec les ondulations de l’eau, causées par le bateau.

Océan lever soleil
Un lever de soleil au milieu de l’océan. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Horizon large Port Lincoln
Un horizon jaune-orangé au large de Port Lincoln. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Large proue bateau
Vue sur le large depuis la proue du bateau. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Navire pêche Port Lincoln
Un navire de pêche au petit matin. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Dauphins jeux bateau
Des dauphins jouent à côté de la proue du bateau. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Pendant la croisière, il nous est demandé de visionner une petite vidéo où l’on nous explique les règles de sécurité ainsi qu’un rappel sur la place du requin dans l’écosystème marin. Celui-ci se situe en haut de la chaîne alimentaire et a un rôle primordial dans le maintien de l’équilibre de la faune aquatique. Ce sont les requins qui régulent les espèces « inférieures ». Leur disparition entraînerait une prolifération des prédateurs « intermédiaires » qui auraient un impact négatif sur les poissons et animaux marins des niveaux en-dessous du leur. Ces derniers seraient alors condamnés à disparaître, dévorés par les espèces « supérieures », qui à leur tour disparaîtraient, n’ayant plus de quoi se nourrir.

Puis, par extension, l’Homme pourrait être à son tour menacé. La végétation marine serait sans nul doute impactée par l’extinction de la faune aquatique. Je vous laisse alors imaginer ce que cela pourrait avoir comme effet sur l’absorption du gaz carbonique par ces plantes et l’air que l’on respire (ou plutôt l’absence d’air…). Vous l’aurez compris, le requin est essentiel à notre survie !!! Nous avons donc la responsabilité de le protéger par tous les moyens, ce qui signifie qu’il ne faut pas le chasser.

Même si j’adore surfer, les requins restent prioritaires dans les espaces maritimes. Nous n’avons aucun droit de les en déloger. C’est comme si vous rentriez tranquillement chez vous un jour, et là vous vous apercevriez que quelqu’un a pris possession de votre maison, vous chassant sans aucune gêne. Et le pire dans tout ça, serait que la loi donne raison à ce voleur ! Je suis certain que vous seriez révolté. Donc pensez un peu à ce que nous faisons subir à ces animaux.

Après cette prise de conscience, l’équipage nous explique le déroulement de la journée. Lorsque nous serons amarrés, il nous faudra enfiler une combinaison, rentrer tranquillement dans la cage, respirer grâce à une bombonne de gaz et attendre patiemment qu’un requin vienne. Le capitaine attire notre attention sur le fait qu’il n’est pas certain d’en voir. Il s’agit d’un animal sauvage qui ne reste pas forcément au même endroit, contrairement aux lions de mer.

Pour les attirer, la compagnie utilise les ultra-sons grâce à la musique d’AC/DC qui, soit disant, est celle qui a les meilleures résultats. Une fois que le requin tourne autour de la cage, il est fortement recommandé de ne sortir aucun membre à l’extérieur des barreaux sous peine de devenir unijambiste ou manchot.

À la recherche des grands requins blancs

Nous arrivons sur le spot des requins où deux bateaux sont déjà arrivés. Nous passons à côté d’eux et le capitaine en profite pour leur demander s’ils en ont vu depuis qu’ils sont amarrés ici. Je n’arrive pas à entendre leur réponse mais au vu des grimaces qu’ils font, cela n’a pas l’air d’être positif. Nous partons un peu plus loin où l’équipage prépare tout le matériel et immerge la cage dans l’eau.

Nous enfilons une combinaison, composée d’une multitude de couche donc parfaitement isolante, mais rendant difficile tout mouvement. Il est alors temps de plonger. Un membre de l’équipage nous demande qui veut faire partie de la première expédition. Alors que je pensais que les gens seraient impatients d’y aller, je suis surpris de ne voir aucun volontaire. Du coup, j’en profite pour partir le premier. Je suis suivi par un jeune couple d’anglais aussi excité que moi à l’idée de voir des requins.

En plus de ma combinaison, j’enfile une veste de lestage me permettant de rester au fond de l’eau durant toute la durée de la plongée. Puis, j’utilise le détendeur, relié à la bouteille d’air et commence à respirer par la bouche. J’entre alors dans la cage et peux enfin observer ce qu’il se passe sous la coque du bateau. Autour de moi, un banc de thons nage tranquillement, sans se douter qu’ils pourraient être le repas de nos invités. Je les prends en photo avec ma GoPro et guette avec attention pour voir si un requin ne serait pas dans les parages. Je reste environ une heure dans l’eau, avec en fond sonore l’album d’AC/DC tournant en boucle. Malheureusement, je remonte à bord bredouille afin de laisser ma place à quelqu’un d’autre, qui aura peut-être plus de chance que moi.

cage requin Port Lincoln
La cage où l’on guette l’arrivée d’un requin. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Nous passons toute la matinée à attendre, sans grand succès. L’après-midi n’est pas mieux, jusqu’au moment où nous apercevons un énorme aileron sortir de l’eau à quelques centimètres du bateau. À cet instant, l’équipage crie « SHARK ! SHARK ! SHARK ! ». Sans plus attendre, je me rue vers la cage avec ma GoPro. Je suis excité à l’idée de voir enfin un grand requin blanc qui, d’après l’aileron que j’ai pu apercevoir, est vraiment balaise. Malheureusement, la joie est de courte durée car ce dernier n’a fait qu’un passage éclair avant de nous quitter définitivement. Frustré, je remonte à bord du bateau où un drame arriva… Je fais tomber ma GoPro dans l’eau ! Au lieu de flotter, la caméra s’enfonce dans les profondeurs de l’océan sans que je puisse faire quoi que ce soit pour la récupérer. Pendant une seconde, j’ai hésité à sauter à l’eau pour tenter de la reprendre mais j’aurais sûrement eu de gros problèmes avec l’agence, ainsi que les autorités maritimes. Ne voulant pas me retrouver en prison et/ou devoir payer une amende salée, je reste sur le navire à m’énerver et à me faire des remontrances pour ma maladresse.

La perte de la GoPro en elle-même n’est pas ce qui me touche le plus. Ce sont surtout les photos prises la veille avec les lions de mer qui sont perdues à tout jamais dans les profondeurs de l’océan. Je m’en veux terriblement et je passe le reste de la journée à me dire à quel point je suis stupide de l’avoir lâché au lieu de la tenir fermement dans mes mains.

Un malheur n’arrivant jamais seul, vous l’aurez compris, aucun requin n’est venu à notre rencontre. Le capitaine contacte les autres bateaux via la radio pour connaître leur situation. Personne n’a eu la chance d’en apercevoir un. Cela me réconforte un peu… Au moins, je n’ai pas de regret à l’idée d’avoir pris la mauvaise agence pour faire la plongée en cage. Même Calypso Star Charters, qui utilise du sang et des restes de poisson pour attirer les requins, repart sans grand succès.

Un retour amer sur Port Lincoln

Vers 16 heures, nous larguons les amarres et repartons à la marina de Port Lincoln. L’équipage s’excuse de ne pas avoir trouvé un seul requin. Il faudra se contenter d’un aileron qui m’a tout de même impressionné. Rien qu’à sa vue, je n’imagine même pas la taille qu’avait cet énorme requin blanc. Je savais qu’ils étaient gros mais pas à ce point.

Sur le bateau, durant le trajet de retour, nous aurions dû payer un supplément de 150$ (100€) si nous avions eu l’opportunité de voir un requin. N’étant pas dans ce cas, nous sommes exemptés de ce coût supplémentaire. Au contraire, nous avons droit à des boissons ainsi quà des snacks gratuits et à volonté jusqu’à l’arrivée à la marina. Le capitaine nous remet également un bon de réduction d’une valeur de 200$ (130€) que nous pouvons utiliser pour une prochaine excursion avec Adventure Bay Charters. Ce coupon est valable pour la plongée en cage mais aussi pour les lions de mer pour une durée de deux ans. Je décide de le garder précieusement. Sait-on jamais, si je reviens dans les parages, je pense que je l’utiliserais pour les lions de mer et tenterais les requins avec la compagnie Calypso Star Charters (plus performante d’après les échos que j’ai eu de la part des locaux).

Le bateau amarré à la marina, nous prenons la voiture et quittons Port Lincoln. Une très longue route nous attend pour rejoindre notre prochaine destination, située à un peu plus de deux jours d’ici. Pour y arriver, nous allons devoir traverser le désert du South Australia qui peut être dangereux si nous ne prenons pas toutes les précautions nécessaires au niveau des réserves d’eau et de carburant.

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