fabienaussie

Esperance, perle du Western Australia

La vague de chaleur de la veille a laissé place à un froid glacial en ce début de matinée… Moi qui espérais ranger les affaires d’hiver, me voilà contraint de ressortir un gros pull, enfoui au fond de la valise. Cette fraîcheur ne nous empêchera pas de découvrir Esperance, une ville située sur la côte sud de l’Australie mais appartenant à la côte ouest, du fait de sa localisation dans la région du Western Australia (Australie-Occidentale).

Esperance, les origines

L’histoire d’Esperance ne retiendra que très peu les premiers explorateurs ayant « découvert » les environs. En 1627, un navire hollandais, le Gulde Zeepaard, passa au large de la côte sans amarrer. Le commandant du bateau, Pieter Nuyts, en profita pour faire des relevés cartographiques de la côte Sud de l’Australie. Il permet ainsi aux futurs explorateurs de se repérer plus facilement au cas où ils s’aventureraient dans cette partie du monde, encore étrangère à l’époque.

Il faudra attendre décembre 1792 pour que les premiers navigateurs s’arrêtent et foulent la terre d’Esperance. Et cocorico, ce sont des Français ! Deux navires, le Recherche et l’Esperance, sont emportés par une tempête vers des récifs dangereux. Ils ne doivent leur salut qu’à la découverte d’une baie à l’abri des vents, permettant d’éviter un naufrage certain. Vous l’aurez ainsi compris, le nom de la ville d’Esperance provient de l’une de ces deux frégates ayant amarré par hasard sur cette côte.

Aujourd’hui, la région est devenue hautement touristique. Elle doit sa renommée à ses nombreuses plages, faisant partie des plus belles d’Australie.

Petit déjeuner mouvementé

Nous quittons le camping pour nous rendre sur l’esplanade d’Esperance afin de prendre notre petit-déjeuner au bord de l’eau. Les activités à Port Lincoln et le fait d’avoir été malade durant la traversée du désert m’avaient fait oublier l’ambiance désastreuse qui règne au sein de notre groupe. D’ailleurs, celle-ci est de plus en plus palpable, lourde et invivable. Patricia ne fait plus aucun effort avec un niveau d’impolitesse frôlant la grossièreté. Elle fait comme si je n’existais pas et me jette littéralement à la figure nos affaires au lieu de me les tendre normalement, de manière civilisée.

Bord de mer Esperance
L’esplanade d’Esperance. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Cerise sur le gâteau, j’apprends que tous les soirs, Patricia parle à Jade derrière mon dos en lui donnant une version bien personnelle de la situation actuelle. Depuis notre dispute à Melbourne, elle aurait tenté par tous les moyens de discuter avec moi afin d’arranger les choses. Malheureusement, j’aurais refusé catégoriquement toute négociation. Jade me conseille d’être plus ouvert car mon attitude (décrite par Patricia) n’aide en rien, bien au contraire. À ces mots, je commence à me décomposer car jamais je n’aurais pensé que Patricia irait si loin. Cette attitude vicieuse, me faisant passer pour le méchant de l’histoire et essayant de rallier Jade à sa cause, me fait découvrir une nouvelle facette de cette personne plus manipulatrice que jamais. Je tente de garder mon calme et explique à Jade ma version des faits, bien plus proche de la réalité.

Après cette discussion très intéressante, je préfère faire comme si de rien n’était. Nous prenons la voiture pour nous rendre sur les plages principales d’Esperance. Je ne sais pour quelle raison, Patricia désire prendre le volant toute la matinée. Malgré ses piètres talents de conductrice, je la laisse faire, sans polémiquer. Mais voilà, sa conduite aura été de courte durée… En sortant d’une place de parking, cette dernière tape la voiture garée à côté de nous et casse mon feu arrière. Heureusement, l’autre véhicule s’en sort sans aucune égratignure ! N’ayant pas un budget voyage très élevé, devoir payer les réparations d’un tiers aurait été compliqué à assumer. Au lieu de prendre ses responsabilités, Patricia préfère rejeter en partie la faute sur Jade et moi, ne l’ayant pas aidée à manœuvrer. Encore une fois, je ne préfère rien dire et me contente de chercher un garage pouvant réparer cet accident. Nous perdons une bonne partie de la matinée à en trouver un qui soit ouvert le dimanche et possédant une pièce de rechange, adaptée au modèle de ma voiture. Prenant pour une fois ses responsabilités, Patricia décide de payer la totalité des réparations en faisant toutefois quelques commentaires désagréables à l’encontre du reste du groupe.

Pink Lake & Twilight Cove

En fin de matinée, nous partons enfin visiter les environs d’Esperance en commençant par le Pink Lake. Comme son nom l’indique, ce lac prend une couleur rose, résultat de la présence de plusieurs types d’algues, corrélée à la salinité et la température de l’eau.

Arrivés devant le Pink Lake, nous constatons que l’eau ne revêt pas cette couleur rosée (semblant très prononcée sur les photos trouvées sur Internet). Le froid hivernal ne permet pas d’atteindre un taux de salinité suffisant pour modifier la couleur du lac. Malgré tout, nous profitons d’un merveilleux panorama dans une région très boisée, s’étendant sur des kilomètres.

Pink Lake pas rose
Le Pink Lake qui n’est pas rose… Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Nous retournons à la voiture pour longer la côte et nous arrêter de manière ponctuelle sur plusieurs plages, plus magnifiques les unes que les autres. Certaines sont composées de sable fin tandis que d’autres forment des rochers escarpés et glissants (dangereux si l’on ne reste pas vigilant). L’eau bleue turquoise, accompagnée de l’écume blanche des vagues, de dunes de sable et d’un océan à perte de vue offrent un spectacle époustouflant.

Plage Esperance
L’une des nombreuses plages d’Esperance. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Vue hauteur plage Esperance
Vue d’une plage depuis les hauteurs d’Esperance. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Vue côte Esperance
Une vue magnifique sur la côte d’Esperance. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Baie Esperance
Une baie calme et reposante. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Vagues plage Esperance
De belles vagues à surfer. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Plage sable blanc
Un sable blanc et fin. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Roche glissante Esperance
Attention aux rochers glissants ! Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Rocher Esperance
Juste magnifique ! Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Plage Esperance
Je ne me lasserai jamais de ces paysages. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Ce moment paisible et reposant est brutalement interrompu par une nouvelle réflexion de Patricia qui met le feu aux poudres. Perdant mon self-control, j’explose dans une rage incontrôlable et prend la décision ultime. Compte tenu de la situation, il est désormais impossible de voyager ensemble. L’aventure s’arrête donc pour Patricia qui doit rejoindre Perth par ses propres moyens. Je lui laisse la journée pour trouver une solution et quitter la voiture définitivement.

La conversation terminée, nous pouvons reprendre tranquillement la visite qui se termine en apothéose avec Twilight Cove. Cette crique paradisiaque est un petit bijou, une pierre précieuse à l’état brut dont la sauvegarde est primordiale : un sable blanc, une eau claire donnant envie de s’y baigner et de splendides rochers polis que l’on peut atteindre à la nage. Le lieu est d’un calme olympien, totalement désert, parfait pour les amateurs de yoga et de méditation. C’est dans ce décor de rêve, digne de celui du Lagon Bleu, que notre visite d’Esperance prend fin.

Twilight Cove
Bienvenue à Twilight Cove. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Rochers Twilight Cove
Les rochers ont une forme bien particulière à Twilight Cove. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Twilight Cove méditation
Twilight Cove, un endroit parfait où méditer. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Nous partons en milieu d’après-midi afin de rejoindre notre prochaine étape, Albany, située à cinq heures de route d’Esperance. Cette entrée en matière de la côte ouest est vraiment prometteuse ! J’ai hâte d’en découvrir davantage sur cette partie de l’Australie qui m’est encore totalement inconnue.


Les derniers kilomètres avant la fin

Réveil à cinq heures du matin. Épuisé après une nuit passée à renifler et éternuer, je sors de mon « lit » pour profiter d’un splendide lever de soleil. L’horizon commence à s’éclairer tandis que l’obscurité et la lune disparaissent petit à petit. La lumière prend très rapidement du terrain et chasse définitivement la nuit aux alentours de sept heures du matin. Jade sort de la tente, juste à temps pour admirer la fin du spectacle tandis que Patricia, toujours la dernière à se lever, a totalement raté ce rendez-vous.

Lever soleil désert
Un lever de soleil magique en plein désert. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
lever soleil Nullarbor
Ça a des avantages de se lever tôt. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Un début de journée compliqué

Ce matin, j’ai du mal à démarrer. J’ai l’impression que mon corps va au ralenti alors que mon cerveau est prêt à affronter la journée. Je tente de trouver la ou les cause(s) de cet état. Hormis le fait que je sois tombé malade la veille, je me rends compte que nous avons changé d’heure lorsque nous avons passé la frontière du Western Australia. Le décalage horaire de deux heures et demie par rapport à la région du South Australia (située à une centaine de kilomètres de notre position) se fait ressentir et n’aide en rien à récupérer. Qu’à cela ne tienne, je me motive pour ranger les affaires et affronter la dernière ligne droite de ce désert interminable.

De retour sur la voie rapide, nous sommes choqués à la vue du nombre de kangourous morts, abandonnés sur le bas-côté ou laissés sur la route goudronnée. J’ai l’impression qu’une guerre a eu lieu cette nuit entre ces animaux sauvages et les voitures. Ce champ de désolation me laisse alors penser que des agents, chargés du maintien des routes australiennes, doivent passer de temps à autre pour enlever les corps. Hier, sur la première partie du désert, nous n’avions pas observé autant de cadavres…

Cocklebiddy et ses alentours

En milieu de matinée, nous nous arrêtons sur la seule aire d’autoroute proposant un café/restaurant. Devant l’entrée, un panneau, souhaitant la bienvenue, nous donne quelques informations sur les alentours. À en croire les chiffres, la petite communauté de Cocklebiddy est plutôt déserte. Seuls huit habitants résident ici auxquels s’ajoutent 25 perruches, sept cailles, un chien et 1 234 567 kangourous ! À cette lecture, je comprends qu’il s’agit plus d’un texte humoristique que de la réalité. J’ai beaucoup de mal à imaginer qu’une personne se soit amusée à recenser avec précision le nombre de kangourous habitant à Cocklebiddy. Si tel est le cas, il devait alors avoir énormément de temps à perdre. Néanmoins, petite anecdote amusante, il est bien vrai que l’Australie compte beaucoup plus de kangourous que d’Hommes au kilomètre carré (environ le double).

Bienvenue à Cocklebiddy
Recensement étrange à Cocklebiddy. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Après avoir pris un rapide petit-déjeuner, nous quittons Cocklebiddy sans plus attendre. Sur le chemin, nous faisons quelques haltes pour profiter de la nature surprenante même en plein désert. Nous nous rapprochons de l’océan pour contempler de magnifiques falaises, certes moins impressionnantes que sur la Great Ocean Road, mais valant quand même le détour. Par la suite, nous nous enfonçons dans les terres pour partir à la découverte de quelques caves dont les accès sont interdits au grand public, dû au risque d’éboulements. Tous ces arrêts, très appréciables, permettent ainsi de casser la monotonie d’une route interminable.

Falaises plaine Nullarbor
Les falaises de la plaine de Nullarbor. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Cave Nullarbor
Une cave en plein désert. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
cave désert Nullarbor
Si vous tombez, personne ne viendra vous chercher… Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Horreur dans la plaine

Seule ombre au tableau : notre stop dans l’une des dernières stations essence de ce désert. La voiture à peine garée, nous sommes accueillis de manière assez agressive par le gardien de ces murs, véritable caricature d’un serial killer de film d’horreur. Édenté, mal rasé, âgé d’une soixantaine d’année au minimum, portant des vêtements sales et froissés, ce dernier n’a pas dû rentrer dans une salle de bain depuis très longtemps. Ni un bonjour, ni un sourire (vu l’état de ses dents, ce n’est pas plus mal), il nous barre l’accès aux toilettes. Ce refus, d’abord catégorique, s’explique par le fait que les lavabos soient limités au lavage des mains.  Les brossages de dents ou rasages y sont strictement interdits. Il me faut quelques minutes pour le comprendre car son accent du « Bush », très prononcé, est incompréhensible. Suite à de rudes négociations, dont la principale difficulté a été de comprendre le langage de notre interlocuteur, nous obtenons l’autorisation d’utiliser les sanitaires.

À peine rentré dans les toilettes, la satisfaction d’avoir gagné ce bras de fer s’envole très rapidement. La propreté est, comment dire, inexistante avec en prime une odeur nauséabonde et âcre servant de parfum d’ambiance. Pour couronner le tout, sur une porte battante, des inscriptions nazies ainsi qu’une croix gammée ont été gravées. Ces dernières prônent bien évidemment la supériorité de la race aryenne… Je n’arrive pas à en croire mes yeux. Après tout ce que l’Histoire nous a appris, comment est-il possible que des personnes adhèrent encore à de tels idéaux. Ne voulant pas rester plus longtemps ici, je sors et attends les filles dans la voiture.

La fin du désert

Nous ingurgitons les derniers kilomètres pour sortir de ce désert en début d’après-midi. Enfin, cette partie du road trip est bel et bien terminée ! Il était temps car une journée de plus dans cet endroit aurait été compliquée, mentalement parlant.

Petit à petit, la nature verdoyante ainsi que la civilisation refont surface à notre plus grand bonheur. Encore mieux, dans une station essence (beaucoup plus accueillante que la précédente), des douches chaudes avec de l’eau à volonté sont mises à la disposition des voyageurs pour 5$ seulement (soit 3,25€). N’ayant pas pu nous laver depuis notre départ de Port Lincoln, nous sautons sur l’occasion pour nous savonner et faire disparaitre la couleur sable, incrustée sur notre peau.

Les cheveux propres et l’odeur du jasmin ayant embaumé nos corps, nous sortons de la salle de bain détendu et heureux. De plus, le froid du South Australia ayant disparu, nous pouvons ranger les gros pulls qui ne nous avaient plus quittés depuis notre départ de Sydney, deux semaines auparavant (que le temps passe vite). Par contre, le retour de la chaleur s’accompagne de la présence désagréable de grosses mouches, tentant à de multiples reprises de se poser sur notre peau.

Arrivée à Esperance

Nous roulons jusqu’à la nuit tombée avant d’arriver à Esperance, une des principales attractions touristiques après la traversée de la plaine de Nullarbor. Désormais, nous entamons la dernière partie du road trip à savoir la côte ouest de l’Australie. Depuis que nous avons débuté notre voyage de Surfers Paradise, nous en avons fait du chemin !

Pour les filles, l’aventure touche à sa fin. D’ici quelques jours nous serons arrivés à Perth, ville où nos routes se séparent. Même si je suis triste de quitter Jade, je dois avouer que cela me soulage de dire adieu à Patricia et à son comportement insupportable.

Après avoir dîné dans un restaurant asiatique, nous sortons de la ville pour rejoindre le camping gratuit, trouvé encore une fois sur Wikicamps. Demain, la visite d’Esperance et de ses paysages côtiers nous changeront de la plaine désertique de Nullarbor. D’après ce que j’en ai entendu, la région est un endroit magnifique, très différent de ce que nous avons pu rencontrer à l’est et au sud de l’Australie.


La traversée du désert

Après notre virée en mer en demi-teinte, nous quittons Port Lincoln en faisant préalablement quelques provisions. Nous allons entamer le trajet que je redoute tant depuis le début de notre road trip : la plaine de Nullarbor. L’étymologie de Nullarbor provient des mots latins « nullus » (nul) et « arbor » (arbre). Cette région est aussi connue sous le nom de « Oondiri », signifiant « sans eau » en langage aborigène.

Vous l’aurez sans doute compris, la plaine de Nullarbor est un désert aride, sans aucun relief et peu habité voire un no man’s land à certains endroits. D’une superficie de 200 000 kilomètres carrés, sa traversée prend environ deux jours en voiture, en ne faisant quasiment aucune halte.

Avant de se lancer à l’aventure, il est donc préférable de faire le plein de nourriture, d’eau et d’essence afin de ne pas se retrouver dans une situation critique. Autant vous dire que très peu de voiture passe dans cette partie de l’Australie, il n’y a presque pas de réseau (voire pas du tout) pour appeler les secours et les stations essences se comptent sur les doigts de la main.

Une nuit très agitée

Le réservoir rempli à ras bord ainsi qu’un bidon d’essence (que j’avais eu l’idée d’emporter avant notre départ) et les courses au supermarché terminées, nous conduisons jusqu’à la frontière de la plaine pour passer la nuit. Les routes n’étant pas éclairées, il peut être dangereux de s’engouffrer dans les profondeurs du désert avec les phares de la voiture pour seule lumière.

Nous nous éloignons de la route principale pour nous garer sur un parking désert, à proximité d’une falaise et de l’océan. Cette nuit, je vais devoir dormir dans la tente avec Patricia ce qui ne m’enchante guère. D’autant plus qu’un vent violent a décidé de souffler toute la nuit. Devant faire avec, j’entre dans la tente à reculons et essaie de dormir le plus rapidement possible. Avec un peu de chance, un sommeil de plomb pourrait m’éviter une insomnie due aux éléments qui se déchainent à l’extérieur.

Bien évidemment, cela n’a pas marché… Depuis plusieurs heures, je lutte pour dormir paisiblement dans une tente qui semble « possédée ». Comme si cela n’était pas suffisant, vers trois heures du matin, le tonnerre a décidé de gronder dans la plaine. Les bruits intenses et incessants me poussent à sortir de la tente pour voir ce qu’il se passe.

Un spectacle aussi magnifique qu’effrayant s’offre à moi. Le ciel noir d’encre est illuminé par des éclairs qui frappent le sol avec fracas à intervalle régulier. Fasciné, je regarde la nature se déchaîner avant de prendre conscience que nous sommes sur un terrain plat sans arbre ni habitation, ni quoi que ce soit de plus haut que la tente, la voiture ou moi-même. Me souvenant de mes premiers cours de sciences naturelles à l’école, je me rends compte que je suis un parfait paratonnerre pouvant attirer la foudre…

Peu serein, je décide de rentrer dans la voiture même si Jade dort à l’intérieur. Heureusement, les portes ne sont pas fermées ce qui me permet d’éviter de taper à la vitre jusqu’à ce que ma partenaire de road trip ne se réveille. Malgré mes efforts pour faire le moins de bruit possible, Jade ouvre les yeux et me demande ce qu’il se passe. Je lui explique et lui montre la tempête qui a lieu sur la plaine. N’ayant pas de boules Quies comme Patricia et encore moins son sommeil lourd, je n’arrive pas à me rendormir et lui demande si je peux rester dans la voiture un petit moment. Elle accepte bien évidemment (je pense que c’était délicat pour elle de me dire de sortir de ma propre voiture).

Au bout d’une heure et demie, le vent, le tonnerre et les éclairs se sont calmés et je décide alors de repartir sous la tente finir ma nuit.

À l’assaut de la plaine de Nullarbor

Vers six heures du matin, je me « réveille » après une nuit désastreuse d’insomnie. Je crois que j’ai perdu plus d’énergie à tenter de dormir que si je m’étais fait à l’idée de passer une nuit blanche. Résultat, je suis épuisé et je ne me sens pas tellement bien. Courbaturé, j’ai des picotements dans la gorge et suis un peu nauséeux.

Je me doutais que j’allais tomber malade car ces derniers jours, mon corps a été mis à rude épreuve. La baignade avec les lions de mer et la plongée en cage dans une eau glacée ne m’avaient pas mis dans les meilleures conditions pour affronter la tempête de cette nuit.

En attendant que les filles sortent de leur tanière, je pars me balader et respirer un peu d’air frais. Je ne m’aventure pas trop loin de la voiture et me contente d’observer les vagues que j’aperçois derrière la falaise. Je manque de courage pour descendre au bord de la mer car il faudrait ensuite remonter une pente assez inclinée.

Océan camping parking
Vue sur l’océan depuis le parking ayant servi de camping pour la nuit. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Sept heures. Les filles se lèvent ce qui nous permet de partir nous changer et prendre notre petit-déjeuner dans un village à quelques kilomètres de là. N’étant pas dans mon assiette, je demande aux filles de prendre le volant aujourd’hui. Seule Jade daigne me répondre et me propose de m’installer sur la banquette arrière pour me reposer.

C’est parti pour plus de 1 600km de désert avant d’arriver à notre prochaine destination ! Je passe toute la matinée à dormir et me réveille lorsque Jade décide de faire une halte à Ceduna, une ville en bord de mer. Les filles en profitent pour faire une halte au « bottle-o » (nom donné aux magasins vendant de l’alcool). Il faut savoir qu’en Australie, seul ce type de boutique a le droit d’en vendre. Vous ne trouverez ni bière, ni vin ou autres spiritueux en supermarché. Après de nombreux débordements (parfois mortels), l’Australie a décidé de mettre en place des lois très strictes à ce sujet. Toute personne ayant une activité professionnelle en rapport, de près ou de loin, avec l’alcool doit suivre une formation et obtenir une certification, le RSA (Responsible Service of Alcohol). Cela va du transporteur, au barman, au vendeur ou au serveur dans n’importe quel restaurant. Les clients, quant à eux, doivent être majeurs et présenter une pièce d’identité s’ils désirent acheter une bouteille.

Pour ma part, j’en profite pour me dégourdir les jambes et me balader sur la jetée. Ceduna n’a rien de particulier mais je suis tout de même frappé par le nombre d’aborigènes qui habitent ici. Ces derniers vivent généralement dans le nord de l’Australie plutôt qu’au sud. Par contre, ils partagent la même addiction vis-à-vis de l’alcool que leurs cousins du nord. C’est terrible de voir la déchéance d’un peuple, due, en très grande partie, aux colons européens, les ayant chassés de leur territoire, tout en les massacrant. Les Australiens, se sentant coupables des atrocités qu’ils ont fait endurer aux aborigènes, ont décidé de leur donner une pension à vie. Malheureusement, certains d’entre eux l’utilisent pour acheter de l’alcool et se soûler dans les parcs ou les rues des villes.

Plage Ceduna
Une balade en bord de mer à Ceduna. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
jetée Ceduna
La jetée de Ceduna. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Nous reprenons la route pour nous arrêter à Penong qui possède l’une des dernières stations essences avant des centaines de kilomètres de désert. Ici, vous trouverez également Comet, le plus gros moulin à vent d’Australie.

Penong désert
Les abords de la ville de Penong. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Comet Penong
Le moulin à vent Comet. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

La frontière du Western Australia

Nous ingurgitons des kilomètres de ligne droite sans faire une seule halte, exceptée devant un panneau routier, demandant aux automobilistes d’être vigilants vis-à-vis des animaux sauvages. De nombreux accidents ont lieu sur cette route et plus particulièrement la nuit où certaines petites bêtes décident de se balader.

D’ailleurs, nous avons croisé plus de cadavres de kangourous ou de wombats que de voitures. Plus étonnant, vous pouvez aussi tomber sur des dromadaires. Et oui, ces derniers ne se trouvent pas uniquement en Afrique. Je ne vais pas vous mentir, ce ne sont pas des animaux australiens… Ils ont été introduits pas l’Homme pour je ne sais quelle raison. Je peux juste vous dire que dans les parties désertiques du continent, des fermes élèvent des dromadaires et organisent des courses (comme avec les chevaux dans les hippodromes). Je suppose que certains se sont enfuis des fermes et se sont reproduits à l’état sauvage.

Plaine Nullarbor panneaux
Malade mais heureux de traverser la plaine de Nullarbor. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

En pleine nuit, nous arrivons à la frontière entre le South Australia et le Western Australia. Devant les barrières, un douanier nous fait signe de nous arrêter pour nous poser quelques questions et fouiller notre coffre. Il nous explique que certains produits sont interdits dans l’état du Western Australia dont le miel, les pommes de terre et les oignons. Pourquoi plus particulièrement ces trois aliments, je n’en ai aucune idée. Devant le poste de douane, j’aperçois des cartons remplis de pots de miel, ce qui me fait sourire. Peut-être, y a-t-il un lobby du miel dans le Western Australia, qui sait ? Nous avons également droit aux questions basiques comme : d’où venez-vous ? Pourquoi venez-vous ici ? Où allez-vous ?

L’interrogatoire terminé, le douanier nous laisse passer, en nous souhaitant un bon voyage.

Les dangers de la nuit

Malgré l’obscurité, nous décidons d’avancer un peu plus, avant de nous arrêter dans un endroit où dormir. Cette idée est vite abandonnée lorsque nous apercevons, de chaque côté de la route, des kangourous observant les voitures passer. En regardant le bitume de plus près, éclairé par les phares, nous constatons que la route prend une couleur rouge sang ! Nous comprenons alors le danger que nous prenons en roulant de nuit dans le désert. Nous tentons de chercher au plus vite une aire d’autoroute ou un chemin éloigné de la voie principale pour poser notre tente.

Pour ne rien arranger, Patricia, derrière le volant, m’inquiète beaucoup. J’ai pu constater que c’est une très mauvaise conductrice qui n’arrive pas à s’habituer à rouler à gauche, elle perd ses moyens à la moindre difficulté. Au lieu de conduire plus lentement, cette dernière maintient une vitesse de 80 km/h jusqu’à apercevoir un gros kangourou mort en plein milieu de la route. Malgré le coup de frein, elle ne peut éviter de rouler dessus. Je crains pour les suspensions de ma voiture qui ont dû prendre un sacré choc vu la taille de la bête. Quelques mètres plus loin, rebelote, Patricia roule sur un autre cadavre.

Elle décide enfin de ralentir et heureusement car nous croisons un énorme kangourou qui, cette fois-ci, est vivant. Dressé sur ses pattes arrière, ce dernier nous regarde, sans bouger. Nous klaxonnons pour l’effrayer mais rien à faire, il ne bouge pas d’un poil. Nous sommes contraints de nous déporter sur la voie de droite et de nous retrouver à contre sens pour pouvoir passer. Pendant la manœuvre, le kangourou ne cesse de nous regarder avec un air narquois. Même si j’adore ces marsupiaux, il faut avouer qu’ils sont, excusez-moi de l’expression, « cons comme des balais ». Aucun sens du danger, au contraire, ils ont une attitude complètement suicidaire.

Enfin, nous trouvons un endroit où nous installer. Un petit chemin de terre nous amène dans une sorte d’aire d’autoroute qui fera parfaitement l’affaire. Étant encore plus malade que ce matin, Jade me propose de dormir dans la voiture, ce que j’accepte sans me faire prier. Nous terminons la journée en ayant parcouru la moitié du trajet. Demain, nous allons encore rouler pendant de très longues heures… J’espère juste que je serai un peu plus en forme qu’aujourd’hui car traverser le désert malade, sans aucun médicament, c’est loin d’être une partie de plaisir.


Un rendez-vous manqué à Port Lincoln

Après une matinée inoubliable avec les lions de mer, je reviens à Port Lincoln où je retrouve les filles dans le centre-ville. Je raconte à Jade mon expérience incroyable que je viens de vivre en lui montrant les photos que j’ai prises avec ma GoPro. Comme à son habitude, Patricia se désintéresse totalement de ce que je peux dire et se met à l’écart, attendant que mon récit se termine.

Déjà la mi-journée, nous partons déjeuner rapidement au Macca’s, « slang » australien (mot d’argot) pour McDonald’s. Ne me demandez pas les origines de ce surnom, les Australiens utilisent énormément d’argot comparé aux Anglais ou aux Américains.

Pendant notre repas, nous discutons un peu de notre programme de l’après-midi. À l’unanimité, nous décidons de suivre les conseils de la veille, donnés par la propriétaire de l’auberge de jeunesse de Port Lincoln. Nous prenons alors la voiture et partons à la découverte du Parc National de Port Lincoln où certaines plages méritent d’y faire un détour.

Un piège fortement désagréable

Je tiens d’avance à m’excuser car je n’ai pas retenu les noms de tous les endroits où nous nous sommes arrêtés… J’aurais dû les noter sur le bloc-notes de mon téléphone afin de m’en souvenir.

Il nous faut environ trois-quarts d’heures pour arriver au Lincoln National Park. Nous faisons une première halte sur une plage (encore une fois déserte) où le sable a une texture très particulière. J’ai l’impression de marcher sur des œufs ou sur une fine couche de glace qui craquelle, comme sur un lac gelé. Cette sensation, jamais encore rencontrée sur les autres plages d’Australie, ne me donne pas confiance et met mes sens en éveil. Les filles, quant à elles, ne se posent pas de questions et marchent sereinement.

Plage parc national Port Lincoln
Une plage du Lincoln National Park. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Sable plage Port Lincoln
Le sable de cette plage a une texture très particulière. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Nous nous rapprochons de la mer, qui s’est éloignée sous l’effet de la marée. Mon intuition avait vu juste et ce qui devait arriver arriva, mais par chance ce n’est pas sur moi que c’est tombé ! Parfois, la curiosité est un vilain défaut et ce n’est pas Jade qui dira le contraire. À force de trop s’aventurer au bord de l’eau, son pied droit s’est enfoncé d’un coup dans une sorte de sable mouvant, une mélasse quelque peu ragoûtante. Malgré sa réaction rapide -elle s’est dégagée en une fraction de seconde- le mal était déjà fait. Elle s’est retrouvée avec du sable mouillé et collant jusqu’à la cheville. Sa basket d’un blanc immaculé était couverte de boue granuleuse qui risquait de devenir nauséabonde si l’on ne l’enlèvait pas rapidement. Malgré tout, nous n’avons pas pu nous empêcher d’avoir un fou rire incontrôlable qui a duré plusieurs minutes.

boue plage Port Lincoln
Un moment d’inattention et un pied dans la boue. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Fishery Bay

Suite à cette mésaventure, nous reprenons la voiture pour nous rendre sur l’une des plages les plus célèbres du coin, à savoir Fishery Bay. Située à l’extérieur du parc national, à la pointe sud, sur la côte de Port Lincoln, cette baie est connue pour son sable blanc et fin où les kangourous se promènent de temps à autre.

Avant de marcher sur la plage, nous partons admirer le paysage sur un panorama qui donne une vue d’ensemble des alentours de Fishery Bay. Comme à chaque fois, nous avons droit à un magnifique spectacle qui se tient sous nos yeux. La mer d’un calme plat, s’engouffre dans la baie où des vagues se forment au fur et à mesure qu’elles se rapprochent du bord. Juste à côté de nous, un escalier en bois permet de descendre la falaise pour aller au plus près des rochers où les ondes de l’eau se brisent au contact de la pierre polie.

Falaise Fishery Bay
Fishery Bay du haut d’une falaise. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Panorama Fishery Bay
Le panorama de Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Vagues Fishery Bay
Des vagues qui terminent leur route à Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

De nombreuses photos plus tard, nous partons sur la plage pour profiter d’une agréable marche où notre peau est hydratée par les embruns marins de l’océan. Nous nous garons sur un parking situé juste derrière une dune, composée d’arbustes et de plantes ayant poussé dans le sable. Non loin de là, Jade aperçoit des toilettes avec un lavabo. Ni une, ni deux, elle part nettoyer sa basket.

vue dune plage
Vue de Fishery Bay depuis une dune. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Pendant ce temps, Patricia et moi, partons sur la plage, chacun de son côté. Sur le sable fin, des empruntes de pneu laissent à penser que des 4×4 sont passés par ici. Cela me rappelle mon séjour à Fraser Island (la plus grande île de sable du monde, située sur la côte Est, dans la région du Queensland), où j’ai eu la possibilité de conduire avec une énorme voiture, en essayant de ne pas m’embourber dans les dunes.

Plage Fishery Bay
La plage de Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Après avoir fini sa toilette, Jade vient me rejoindre. Nous marchons jusqu’au bout de la plage où quelques surfeurs courageux sont à l’eau. Fishery Bay est un endroit parfait pour les débutants car les vagues sont plutôt calmes mais assez fortes quand même pour prendre de l’élan et glisser dessus. D’ailleurs, les gens dans l’eau n’ont pas l’air d’avoir un niveau très élevé, ce qui change de ce que j’ai pu voir depuis que nous nous baladons sur la côte sud et plus particulièrement à Torquay.

Sable Fishery Bay
Le sable blanc de Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Surfeurs Fishery Bay
Des surfeurs en pleine session à Fishery Bay. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

L’après-midi touche à sa fin et il est temps de chercher un camping gratuit où passer la nuit. Un rapide tour sur Wikicamps nous permet d’en trouver un, juste à l’entrée du Lincoln National Park, sur une falaise. Le vent s’étant levé, cela risque de ne pas être le meilleur spot que l’on puisse trouver, surtout pour ceux qui vont dormir sous la tente. Arrivés sur place, bien évidemment, nous nous rendons compte qu’il est impossible de passer la nuit ici. Nous trouvons alors une autre solution qui, en revanche, n’est pas très légale. Nous revenons sur nos pas, pour quitter les hauteurs et pour partir se réfugier entre deux dunes, à l’écart de la route principale. Nous prenons le risque de faire du camping sauvage mais nous n’avons pas tellement le choix si nous souhaitons économiser une nuit d’hôtel. Espérons qu’aucun « ranger » (garde forestier qui a la responsabilité de protéger les parcs nationaux) n’aura l’idée de venir faire une patrouille dans les parages cette nuit. Si nous nous faisons attraper, nous pouvons avoir une amende d’environ 300$ (soit 190€) par personne !

Falaise nuit camping
La falaise où l’on est censé dormir cette nuit. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

C’est parti pour l’aventure

La nuit est de courte durée puisque nous devons nous réveiller vers quatre heure du matin afin de rejoindre la marina de Port Lincoln un peu avant six heures. Aujourd’hui est un grand jour : nous partons faire une croisière pour plonger au milieu des requins blancs ! Bien entendu, nous serons à l’intérieur d’une cage afin de ne pas nous faire dévorer par ces monstres marins.

Comme la veille avec les lions de mer, nous avons rendez-vous à l’agence d’Adventure Bay Charters où il nous est demandé de signer une décharge comme quoi la compagnie n’est pas responsable de tout accident survenu à l’intérieur de la cage (c’est rassurant). Puis, à six heures pile, nous embarquons à bord d’un bateau assez spécial pour rejoindre LE spot où les requins ont l’habitude de chasser. La particularité de ce navire réside sur le fait que sa coque cache un cube de verre où l’on peut regarder les profondeurs de l’océan sans se mouiller (mais surtout pour les peureux qui ne désirent pas rentrer dans la cage).

Nous quittons le port au moment même où le soleil se lève, permettant de profiter d’une vue incroyable où l’horizon de l’océan revêt une couleur jaune-orangé. Sur l’eau, nous croisons une chaloupe partant à la pêche, accompagnée d’une multitude de mouettes, attendant leur petit-déjeuner de la journée. Des dauphins font également un bout de chemin avec nous, jouant avec les ondulations de l’eau, causées par le bateau.

Océan lever soleil
Un lever de soleil au milieu de l’océan. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Horizon large Port Lincoln
Un horizon jaune-orangé au large de Port Lincoln. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Large proue bateau
Vue sur le large depuis la proue du bateau. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Navire pêche Port Lincoln
Un navire de pêche au petit matin. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Dauphins jeux bateau
Des dauphins jouent à côté de la proue du bateau. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Pendant la croisière, il nous est demandé de visionner une petite vidéo où l’on nous explique les règles de sécurité ainsi qu’un rappel sur la place du requin dans l’écosystème marin. Celui-ci se situe en haut de la chaîne alimentaire et a un rôle primordial dans le maintien de l’équilibre de la faune aquatique. Ce sont les requins qui régulent les espèces « inférieures ». Leur disparition entraînerait une prolifération des prédateurs « intermédiaires » qui auraient un impact négatif sur les poissons et animaux marins des niveaux en-dessous du leur. Ces derniers seraient alors condamnés à disparaître, dévorés par les espèces « supérieures », qui à leur tour disparaîtraient, n’ayant plus de quoi se nourrir.

Puis, par extension, l’Homme pourrait être à son tour menacé. La végétation marine serait sans nul doute impactée par l’extinction de la faune aquatique. Je vous laisse alors imaginer ce que cela pourrait avoir comme effet sur l’absorption du gaz carbonique par ces plantes et l’air que l’on respire (ou plutôt l’absence d’air…). Vous l’aurez compris, le requin est essentiel à notre survie !!! Nous avons donc la responsabilité de le protéger par tous les moyens, ce qui signifie qu’il ne faut pas le chasser.

Même si j’adore surfer, les requins restent prioritaires dans les espaces maritimes. Nous n’avons aucun droit de les en déloger. C’est comme si vous rentriez tranquillement chez vous un jour, et là vous vous apercevriez que quelqu’un a pris possession de votre maison, vous chassant sans aucune gêne. Et le pire dans tout ça, serait que la loi donne raison à ce voleur ! Je suis certain que vous seriez révolté. Donc pensez un peu à ce que nous faisons subir à ces animaux.

Après cette prise de conscience, l’équipage nous explique le déroulement de la journée. Lorsque nous serons amarrés, il nous faudra enfiler une combinaison, rentrer tranquillement dans la cage, respirer grâce à une bombonne de gaz et attendre patiemment qu’un requin vienne. Le capitaine attire notre attention sur le fait qu’il n’est pas certain d’en voir. Il s’agit d’un animal sauvage qui ne reste pas forcément au même endroit, contrairement aux lions de mer.

Pour les attirer, la compagnie utilise les ultra-sons grâce à la musique d’AC/DC qui, soit disant, est celle qui a les meilleures résultats. Une fois que le requin tourne autour de la cage, il est fortement recommandé de ne sortir aucun membre à l’extérieur des barreaux sous peine de devenir unijambiste ou manchot.

À la recherche des grands requins blancs

Nous arrivons sur le spot des requins où deux bateaux sont déjà arrivés. Nous passons à côté d’eux et le capitaine en profite pour leur demander s’ils en ont vu depuis qu’ils sont amarrés ici. Je n’arrive pas à entendre leur réponse mais au vu des grimaces qu’ils font, cela n’a pas l’air d’être positif. Nous partons un peu plus loin où l’équipage prépare tout le matériel et immerge la cage dans l’eau.

Nous enfilons une combinaison, composée d’une multitude de couche donc parfaitement isolante, mais rendant difficile tout mouvement. Il est alors temps de plonger. Un membre de l’équipage nous demande qui veut faire partie de la première expédition. Alors que je pensais que les gens seraient impatients d’y aller, je suis surpris de ne voir aucun volontaire. Du coup, j’en profite pour partir le premier. Je suis suivi par un jeune couple d’anglais aussi excité que moi à l’idée de voir des requins.

En plus de ma combinaison, j’enfile une veste de lestage me permettant de rester au fond de l’eau durant toute la durée de la plongée. Puis, j’utilise le détendeur, relié à la bouteille d’air et commence à respirer par la bouche. J’entre alors dans la cage et peux enfin observer ce qu’il se passe sous la coque du bateau. Autour de moi, un banc de thons nage tranquillement, sans se douter qu’ils pourraient être le repas de nos invités. Je les prends en photo avec ma GoPro et guette avec attention pour voir si un requin ne serait pas dans les parages. Je reste environ une heure dans l’eau, avec en fond sonore l’album d’AC/DC tournant en boucle. Malheureusement, je remonte à bord bredouille afin de laisser ma place à quelqu’un d’autre, qui aura peut-être plus de chance que moi.

cage requin Port Lincoln
La cage où l’on guette l’arrivée d’un requin. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

Nous passons toute la matinée à attendre, sans grand succès. L’après-midi n’est pas mieux, jusqu’au moment où nous apercevons un énorme aileron sortir de l’eau à quelques centimètres du bateau. À cet instant, l’équipage crie « SHARK ! SHARK ! SHARK ! ». Sans plus attendre, je me rue vers la cage avec ma GoPro. Je suis excité à l’idée de voir enfin un grand requin blanc qui, d’après l’aileron que j’ai pu apercevoir, est vraiment balaise. Malheureusement, la joie est de courte durée car ce dernier n’a fait qu’un passage éclair avant de nous quitter définitivement. Frustré, je remonte à bord du bateau où un drame arriva… Je fais tomber ma GoPro dans l’eau ! Au lieu de flotter, la caméra s’enfonce dans les profondeurs de l’océan sans que je puisse faire quoi que ce soit pour la récupérer. Pendant une seconde, j’ai hésité à sauter à l’eau pour tenter de la reprendre mais j’aurais sûrement eu de gros problèmes avec l’agence, ainsi que les autorités maritimes. Ne voulant pas me retrouver en prison et/ou devoir payer une amende salée, je reste sur le navire à m’énerver et à me faire des remontrances pour ma maladresse.

La perte de la GoPro en elle-même n’est pas ce qui me touche le plus. Ce sont surtout les photos prises la veille avec les lions de mer qui sont perdues à tout jamais dans les profondeurs de l’océan. Je m’en veux terriblement et je passe le reste de la journée à me dire à quel point je suis stupide de l’avoir lâché au lieu de la tenir fermement dans mes mains.

Un malheur n’arrivant jamais seul, vous l’aurez compris, aucun requin n’est venu à notre rencontre. Le capitaine contacte les autres bateaux via la radio pour connaître leur situation. Personne n’a eu la chance d’en apercevoir un. Cela me réconforte un peu… Au moins, je n’ai pas de regret à l’idée d’avoir pris la mauvaise agence pour faire la plongée en cage. Même Calypso Star Charters, qui utilise du sang et des restes de poisson pour attirer les requins, repart sans grand succès.

Un retour amer sur Port Lincoln

Vers 16 heures, nous larguons les amarres et repartons à la marina de Port Lincoln. L’équipage s’excuse de ne pas avoir trouvé un seul requin. Il faudra se contenter d’un aileron qui m’a tout de même impressionné. Rien qu’à sa vue, je n’imagine même pas la taille qu’avait cet énorme requin blanc. Je savais qu’ils étaient gros mais pas à ce point.

Sur le bateau, durant le trajet de retour, nous aurions dû payer un supplément de 150$ (100€) si nous avions eu l’opportunité de voir un requin. N’étant pas dans ce cas, nous sommes exemptés de ce coût supplémentaire. Au contraire, nous avons droit à des boissons ainsi quà des snacks gratuits et à volonté jusqu’à l’arrivée à la marina. Le capitaine nous remet également un bon de réduction d’une valeur de 200$ (130€) que nous pouvons utiliser pour une prochaine excursion avec Adventure Bay Charters. Ce coupon est valable pour la plongée en cage mais aussi pour les lions de mer pour une durée de deux ans. Je décide de le garder précieusement. Sait-on jamais, si je reviens dans les parages, je pense que je l’utiliserais pour les lions de mer et tenterais les requins avec la compagnie Calypso Star Charters (plus performante d’après les échos que j’ai eu de la part des locaux).

Le bateau amarré à la marina, nous prenons la voiture et quittons Port Lincoln. Une très longue route nous attend pour rejoindre notre prochaine destination, située à un peu plus de deux jours d’ici. Pour y arriver, nous allons devoir traverser le désert du South Australia qui peut être dangereux si nous ne prenons pas toutes les précautions nécessaires au niveau des réserves d’eau et de carburant.


Rencontres du troisième type au large de Port Lincoln

Les filles dormant à poings fermés, je me lève en essayant de faire le moins de bruit possible afin de ne pas les réveiller. Ce matin, j’ai rendez-vous à la marina de Port Lincoln à sept heures précises dans les locaux de l’agence Adventure Bay Charters. Au programme, cours de natation un peu particulier avec des lions de mer en qualité de maître nageur !

La compagnie ne tolérant aucun retard (pour des raisons de logistique et de planning), je me dépêche pour me laver et préparer mes affaires dans mon sac à dos : téléphone portable, serviette et le plus important de tout, GoPro pour immortaliser cette expérience unique.

Les lions de mer australiens

Surnommés « the puppy dogs of the sea » (en français, les petits chiots des mers), les lions de mer sont des mammifères appartenant à l’espèce des otaries. Animaux en voie d’extinction, on en recense seulement 12 000 en Australie. Autrefois chassé par l’Homme, le lion de mer est devenu une espèce protégée qui souffre énormément des effets du réchauffement climatique. Aujourd’hui, ces animaux, pouvant peser parfois plus de 200 kilos, sont suivis de très près par des scientifiques et sont devenus l’une des attractions principales de Port Lincoln.

Une poignée d’entreprises locales a décidé d’en faire son business. Elles proposent aux touristes de partir rencontrer ces animaux étranges et encore mieux, de nager à leur côté. Pour 200$ (à peu près 130€), il est possible de passer toute une matinée en compagnie d’une colonie de lions de mer s’étant installée sur une île au large de Port Lincoln.

On lève les amarres

J’arrive le premier dans les locaux d’Adventure Bay Charters où je suis accueilli par une australienne qui m’explique brièvement l’organisation de la croisière. Tout d’abord, il m’est demandé de lire et signer un document expliquant les règles de bonne conduite sur le bateau et dans l’eau. Rien de bien compliqué, l’agence met en garde les clients sur le fait de rester à une distance raisonnable des lions de mer et surtout de ne pas les toucher ! Pendant ce temps, les autres participants arrivent au fur et à mesure à l’agence.

Tout le monde étant présent, nous pouvons embarquer sur le bateau, amarré juste en face, à côté de navires de pêcheurs. En comptant les membres de l’équipage, nous sommes à peine une dizaine à lever les amarres et partir à l’aventure. Je suis soulagé d’être en comité restreint, nous pourrons ainsi profiter pleinement de la rencontre avec les lions de mer sans devoir jouer des coudes pour les approcher.

bateau marina
Un bateau de pêche amarré à la marina. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
larguer les amarres
Larguez les amarres, en route pour l’aventure. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)
Partir au large
Nous quittons Port Lincoln au petit matin. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien

À bord, le capitaine présente son équipage. Il nous explique une nouvelle fois les règles à suivre à la lettre, une fois que nous serons arrivés à destination :

  1. Interdiction de sauter à l’eau sans le « go » d’un des membres de l’équipage ;
  2. Interdiction de s’approcher de l’île ainsi que de fouler ne serait-ce qu’un orteil sur la plage et ce pour deux raisons :
  • Les lions de mer sont des animaux sauvages qui peuvent attaquer s’ils se sentent en danger ;
  • L’île est une propriété protégée par un organisme gouvernemental où seuls les scientifiques ont le droit de rentrer.

La présence des bateaux est étroitement surveillée. Un planning des visites, élaboré en collaboration avec toutes les compagnies de croisière, est publié et suivi par les services publics. Une seule agence (avec un seul bateau) a le droit de s’amarrer par visite. Les tours sont répartis dans la semaine avec des journées de pause où personne ne doit déranger les lions de mer. À la moindre incartade, au moindre laisser-aller, l’agence pourrait se voir retirer définitivement l’autorisation d’approcher les lions de mer. Cela entraînerait alors leur fermeture pure et simple.

  1. Si les mâles dominants rentrent dans l’eau, tout le monde doit retourner à bord du bateau pour question de sécurité.
  2. Comme expliqué précédemment, tout contact physique avec l’animal est strictement interdit. Les lions de mer doivent rester sauvages et aucune forme d’apprivoisement n’est tolérée (ce qui signifie aussi l’interdiction de leur donner à manger).

Il est vrai que ces règles peuvent être frustrantes (surtout celle de ne pas les caresser) mais tout le monde trouve normal qu’elles soient mises en place pour le bien-être de ces petites bêtes.

Un moment magique

Le capitaine jette l’ancre juste en face d’une baie où un groupe de lions de mer dort, les uns contre les autres. L’équipage nous explique que ces animaux fonctionnent en meute avec quelques mâles dominants qui se sont battus pour être au sommet de la hiérarchie. Seuls ces derniers ont le droit de s’accoupler avec les femelles et décident de l’endroit où le groupe devrait s’installer. En haut d’un rocher, une femelle monte la garde afin de prévenir de tout danger potentiel et de surveiller les petits qui partent à l’eau.

île lion de mer
L’île où les lions de mer ont élu domicile. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
île lion de mer Port Lincoln
L’île n’est en fait qu’un immense caillou. Crédit photo : CHAN OU TEUNG Fabien
Baie sea lions
La baie où les lions de mer nous attendent. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)
Plage lions de mer
Les lions de mer en meute sur la plage. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)

Le capitaine guette du bateau si certains bébés lions de mer sont en train de nager car généralement se sont eux qui partent à la rencontre des touristes. De nature curieuse, ils n’hésitent pas à s’approcher de l’Homme pour jouer avec eux (d’où le surnom de chiots de mer). Par chance, deux d’entre eux sont déjà en train de s’amuser à se pourchasser dans la baie.

Dans un premier temps, la photographe, faisant partie de l’équipage, rentre dans l’eau et part à leur rencontre pour une première prise de contact. À cet instant, nous voyons la femelle en vigie, descendre de son rocher pour s’approcher de la photographe afin d’évaluer le « danger potentiel » et vérifier que les bébés soient en sécurité.

Quelques minutes plus tard, la photographe nous donne l’autorisation de venir et de nous approcher des lions de mer. Bien qu’ayant une combinaison avec une grosse épaisseur et une parfaite isolation, je ressens tout de même la température glaciale de l’eau qui me donne la chaire de poule. Qu’à cela ne tienne, je fais fi de cet inconvénient et arrive nez-à-nez avec l’un des jeunes lions de mer.

Cet instant restera gravé à jamais dans ma mémoire ! Avec ses gros yeux globuleux, il m’observe sans bouger puis, tout à coup, tourne autour de moi, frôlant mes palmes et mes jambes de temps en temps. Respectant à la ligne les règles, je me retiens de ne pas le caresser même si l’envie et le comportement de mon nouvel ami m’incitent à le faire. Lassé de mon manque de dynamisme, il repart aussi vite qu’il est venu, me laissant en plan, curieux de voir les autres membres du groupe. Par chance, l’autre jeune arrive très rapidement, accompagné de la femelle qui faisait le guet à notre arrivée. Pendant que son enfant joue avec moi, la maman reste à côte de nous, veillant à ce que tout se passe bien. J’ai l’impression de me retrouver dans un jardin d’enfants. Souvenez-vous lorsque vous jouiez sur les toboggans pendant que vos parents et nounous, s’ennuyaient, assis sur un banc, jetant de temps en temps un œil sur vous et vous rappelant à l’ordre lorsque la situation dégénérait.

contact lion de mer
Un premier contact avec un lion de mer. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)
Lion de mer rapprochement
Les lions de mer commencent à se rapprocher de nous. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)
Curiosité Sea Lions
La curiosité l’emporte sur la peur de l’inconnu. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)
Dessous Lion de mer
Les lions de mer passent en-dessous de nous pour mieux nous approcher. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)
Sea lion
Ils vont et viennent d’une personne à une autre. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)

Cette fois-ci, voulant être un peu plus actif, je commence à tournoyer sur moi-même pour montrer au lion de mer que je souhaite participer au jeu. Ce dernier en fait de même et nous voilà comme deux imbéciles à faire la toupie l’un en face de l’autre. De son côté, la femelle s’est trouvée une petite collation à grignoter, attendant que nous finissions nos bêtises.

Lion de mer jeu
L’un de leurs passe-temps favori, tourner autour de vous. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)
Lion de mer jouer
On peut commencer à jouer ! Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)
Sea lions jeu
Comme les chiens, ils veulent jouer avec un bâton. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)
Bâton sea lions
Viens chercher le bâton ! Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)

Pendant près de trois heures, nous restons à l’eau, nageant avec nos trois nouveaux amis. Puis, l’équipage nous fait signe de revenir sur le bateau car il est déjà temps de rentrer à la marina de Port Lincoln. Nous nous exécutons sans rechigner bien que nous aurions aimé rester un peu plus longtemps.

Baie sea lions
Derniers instants dans la baie. Crédit photo : Adventure Bay Charters (image libre de droits)

Cette expérience s’est avérée être bien au-delà de mes espérances. Jamais je n’aurais pu imaginer approcher des lions de mer d’aussi près. Cela compense largement le séjour assez calamiteux à Adelaïde et l’annulation de la croisière avec les dauphins. Demain, pour la plongée avec les requins, j’espère être aussi chanceux qu’aujourd’hui. Après la douceur des lions de mer, j’ai très envie de me faire quelques frayeurs avec de grands requins blancs avant de quitter Port Lincoln.